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Sécurité routière : un défi majeur pour le développement en Afrique de l’Ouest

27 May 2025

Le constat est alarmant. L’Afrique subsaharienne affiche le taux de mortalité routière le plus élevé au monde – environ 26,6 décès pour 100 000 – alors qu’elle ne dispose que de 3 % du parc automobile mondial. Selon l’OMS, les pays suivants enregistrent des bilans dramatiques :

  • Bénin – En moyenne 5 000 accidents corporels par an, avec environ 700 morts et 6 000 blessés
  • Burkina Faso – En 2022, 26 686 accidents ont fait 1 150 morts et 15 384 blessés
  • Mali – 736 décès officiels en 2021
  • Niger – 1 152 morts de la route en 2021
  • Côte d’Ivoire – 1 614 tués en 2021

Ces chiffres traduisent des infrastructures souvent insuffisantes et mal entretenues. Par exemple, le Niger ne compte qu’environ 4 950 km de routes goudronnées pour 25 millions d’habitants. Les ONG régionales soulignent que la moitié des routes accidentogènes africaines ne répondent pas aux normes de sécurité, surtout pour les usagers vulnérables (piétons, motos)

Bénéfices d’une sécurité routière renforcée

Améliorer la sécurité routière rapporte de multiples dividendes sociaux et économiques. D’abord parce que la facture économique est considérable : les accidents coûtent aux pays africains environ 3 % du PIB annuel, soit des dizaines de milliards d’euros gaspillés. En réduisant le nombre de morts et de blessés graves, on diminue les dépenses de santé d’urgence et on préserve la main-d’œuvre active. C’est d’autant plus crucial que les jeunes (15–29 ans) sont les principales victimes routières en Afrique : prévenir les accidents sauve des vies, mais aussi des revenus familiaux, prévenant ainsi l’appauvrissement de ménages vulnérables.

Sur le plan social, des routes plus sûres renforcent la cohésion des communautés et l’inclusion. Actuellement, une grande partie de la population rurale reste isolée par des axes mal goudronnés. Par exemple, 70 % de la population rurale africaine n’a pas accès à des routes praticables toute l’année, ce qui limite gravement l’accès aux soins, à l’éducation et aux marchés. En facilitant l’accès routier, on permet aux ambulances et aux cliniques mobiles de desservir les villages éloignés, et aux enfants d’atteindre l’école en toute sécurité. De même, lorsque les usagers portent des équipements de protection ou que la vitesse est limitée en ville (casques, ceintures, zones 30), le nombre de victimes baisse : des campagnes locales (par ex. sur le port du casque au Burkina Faso ou le contrôle du tonneau à Abidjan) ont montré des bilans très positifs. En résumé, moins d’accidents signifie plus d’écoles ouvertes, d’hôpitaux accessibles et de commerces florissants, contribuant directement à réduire la pauvreté et stimuler la croissance

Initiatives en cours et enjeux à venir

Pour relever ces défis, plusieurs initiatives voient le jour. À l’échelle internationale, l’ONU a décrété 2011–2020 « Décennie d’action pour la sécurité routière » (suivie de 2021–2030 avec un nouvel appel à réduire de moitié les décès). L’Union africaine a lancé un Plan d’action continental 2021–2030 pour la sécurité routière, aligné sur les Objectifs de développement durable. Ce plan promeut une approche « système sûr » (Safe System) visant à protéger tous les usagers, notamment les plus vulnérables. AACCES - Support en Développement a mis en place une « Road Safety Initiative » (via des formations spécialisées, de l'accompagnement d'institutions et des campagnes de sensibilisation) afin de renforcer les capacités nationales à prévenir et gérer les accidents. Des organismes comme la Banque mondiale ou l’Agence française de développement financent également des projets de réfection routière et de véhicules ambulanciers modernes dans la région.

Malgré ces avancées, de grands défis persistent : la gouvernance routière reste souvent limitée, avec peu de ministères dédiés et une faible coordination entre transport, police et santé. Le financement est un goulot d’étranglement : la plupart des plans nationaux sont largement sous-dotés, voire inexistants. Par exemple, des chercheurs notent qu’au Burkina ou en Ouganda, les dépenses publiques en sécurité routière peuvent tomber à seulement 0,09 USD par habitant. Enfin, la mobilisation citoyenne doit être renforcée. Les ONG locales jouent un rôle clé pour faire pression sur les autorités et démontrer l’efficacité des mesures. Elles rappellent que les populations elles-mêmes bénéficient largement de la sécurité routière : « les ONG savent démontrer que les avantages d’un projet de sécurité routière l’emportent sur les coûts ». L’enjeu est donc de passer des engagements à la pratique – routes éclairées, contrôles et sanctions effectifs, financements dédiés – afin de traduire les promesses en routes plus sûres pour tous.

AACCES - Secouriste AACCES portant assistance à une victime après un accident de la route, à côté d'un véhicule retourné et endommagé, dans un environnement herbeux.